Suivi Vautour moine 2, tragique épilogue
Suivi d’un second nid de Vautour moine, différent du premier article.
Samedi 24 juillet
Ce matin les nuages s’accrochent au puech* et au Sauveterre. Nous décidons tout de même de grimper pour voir où en est la nidification du nid de Vautour moine que Cécile avait découvert le 23 mai dernier.
Arrivés sur place, la brume bouche la vue. Nous attendons mais la situation empire, les vagues reliefs du début disparaissent dans la grisaille.
*puech: sommet, colline, petit massif témoin de l’érosion.
En attendant la dispersion des nuages, je regarde l’action de la gélifraction sur le calcaire dolomitique sur une magnifique vire.
Année après année, siècle après siècle, millénaire après millénaire, l’eau s’insinue dans les fentes du calcaire et l’hiver sous l’action du gel, elle fragmente et décolle des plaquettes, des morceaux de la roche, sculptant ainsi inexorablement les parois, les pitons.
L’érosion n’ayant plus de secret pour moi, je me penche vers les quelques fleurs qui survivent dans ce milieu minéral. C’est la période de floraison des Orpins de Nice.
Le temps s’écoule sans que la situation météo s’améliore si bien que nous décidons de redescendre.
Dimanche 25 juillet.
Nous attendons la fin d’après-midi, ensoleillée cette fois, pour repartir contrôler le nid. Après une heure d’observation, nous ne voyons toujours pas le poussin, ni d’adulte posé ou en vol. Je grimpe sur un piton pour tenter de dominer un peu plus la cuvette du nid mais je ne distingue toujours rien. J’envoie un SMS à Renaud de la LPO pour savoir s’il a des nouvelles de ce nid. Nous abandonnons et redescendons plutôt inquiets. Le SMS de réponse de Renaud commence par « Aïe ».
Lundi 26 juillet.
Vers 9 heures du matin, nous montons avec Renaud sur une route d’où nous pouvons voir à grande distance le nid. Un coup de lunette confirme notre appréhension : rien sur l’aire.
Nous décidons alors de nous rendre au nid. Après une marche d’approche sur un sentier, nous trouvons une plume noire non développée dont le fourreau est coupé, signe qu’un prédateur carnassier est passé par là. Nous nous dirigeons alors vers le nid, crapahutant sur une pente où l’on s’accroche aux buissons et nous tombons au pied du pin qui supporte le nid.
Nous retrouvons des plumes de poussin coupées comme celles du sentier. Inutile d’escalader le pin : plus d’espoir. Renaud tourne autour de l’arbre récupérant les plumes de mues des adultes, des vertèbres en connection rongées par la digestion des vautours, deux os de phalanges anciens non identifiés… Nous descendons la pente caillouteuse et finissons par tomber sur ce qui reste du cadavre du poussin. Vu le bec, on ne peut pas se tromper.
Nous fouillons les buis et trouvons d’autres indices, le cadavre a été traîné et mangé en plusieurs endroits.
Les restes paraissent anciens, il n’y a pas de mouche ni d’asticot. Le poussin a été bagué dernièrement mais Renaud ne sait pas quand. Il y a 10 jours il avait fait un point depuis la route mais rien ne dit que le poussin était encore présent malgré la présence d’un adulte. Chaque année des poussins tombent des nids, victimes du harcèlement de Grands Corbeaux ou de Corneilles noires. D’autres vautours moines peuvent très bien se poser sur le nid et le poussin peut alors basculer. Une fois au sol, il est sans défense face à des prédateurs comme le sanglier ou le renard. La martre peut aussi attaquer le poussin quand il est petit. Les dangers ne manquent pas quand le parent de garde s’absente. Cette année, Renaud a remis un poussin au nid qui était tombé, un autre a été retrouvé par terre une aile cassée et un autre a été victime d’une morsure fatale au cou une fois au sol. Sur la trentaine de couples de Vautours moines qui nichent dans les Grands causses on peut espérer l’envol de 18 jeunes environ…
Pour les ornithologues qui reçoivent le magazine « Rapaces de France » de la LPO, je vous conseille de lire l’article sur le Vautour moine du numéro 22, paru en 2020, écrit par Renaud Nadal de la LPO Grands Causses.