Prospection sur l’Aubrac, 26 mars 2022
6h15- La montre sonne, j’ouvre le fenestrou, le ciel est dégagé. Nous allons partir sur le plateau de l’Aubrac en Lozère pour une prospection Courlis cendré.
L’Aubrac est une région unique en France. C’est un plateau basaltique et granitique très déboisé pour une grande partie, situé dans le centre-sud du Massif Central, à cheval sur trois départements : le Cantal, l’Aveyron mais la plus grande surface est en Lozère. L’Aubrac mérite à lui seul un article, ce que je ne manquerai pas de faire quand j’aurai le temps et la matière.
Donc nous avons rendez-vous à Nasbinals en Lozère pour retrouver Rémi, organisateur de cette matinée de prospection. Rémi suit depuis longtemps ces oiseaux sur le plateau de l’Aubrac et nous « drive » rapidement. Nous faisons des groupes de deux. Une carte est distribuée à chaque groupe avec des secteurs bien définis à prospecter. La prospection se fera par points d’écoute et d’observation et les déplacements en voiture, vu l’étendue des zones à couvrir.
Le Courlis cendré est un oiseau nicheur rare en France et en déclin. C’est un limicole* de grande taille facilement indentifiable par son grand bec arqué et son envergure de 80 à 100 cm. Son nom scientifique Numenius arquata fait référence à la lune en croissant et à la courbure du bec.
Les limicoles sont une famille d’oiseaux souvent appelés petits échassiers car ils ont de grandes pattes pour la plupart mais moins grandes que les grands échassiers, CQFD. Limi vient du nom latin de la vase car on les trouve pour la plupart dans les marais côtiers ou sur les baies vaseuses. Notre Courlis cendré français se reproduit surtout à l’intérieur des terres, du niveau de la mer jusqu’à 1200m d’altitude environ. Son aire de répartition est très fragmentée mais comprend entre 40 et 50 départements de notre hexagone. Le Morbihan, la Loire-Atlantique, la Vendée, la Charente-Maritime, départements riches en marais côtiers et estuaires vaseux, n’accueillent pas de couples nicheurs. En reproduction, le Courlis cendré fréquente les milieux ouverts comme les landes, les tourbières, les prairies inondables des vallées alluviales, les prairies humides pâturées ou de fauche extensives. Les cultures sont exceptionnellement choisies.
Les poussins du courlis sont nidifuges comme tous les limicoles. L’éclosion des oeufs est pratiquement simultanée et quelques heures après la naissance, les poussins quittent le nid sous la surveillance des parents pour ne plus y revenir. Dans le cas du Courlis cendré, la détection des poussins est très difficile car ils se déplacent dans une végétation plus haute qu’eux. Seul le comportement des parents qui les accompagnent, peut révéler une reproduction réussie.
En attendant la reproduction, trouvons déjà des couples cantonnés sur des lieux propices. Je fais équipe avec Cécile, notre ami part avec une autre participante. Nous prenons la direction de Malbouzon et nous nous engageons sur une piste carrossable qui nous mène à un lieu évocateur « Lous Egouts ».
9h38- C’est une petite dépression qui devrait être humide mais l’hiver a été sec sur l’Aubrac. Encore un signe du dérèglement climatique. Nous y restons 20mn mais nous ne voyons qu’un renard en maraude.
Toujours sur la même piste, nous allons observer la sogne Satière. Les sognes, sagnes, seignes sont des dépressions humides où se pratique le pâturage extensif. Ce sont les milieux préférés des Courlis cendrés pour leur reproduction car le sol trop mou ne permet pas le passage d’engins agricoles. Hélas les pratiques agricoles sont toujours plus perturbantes pour l’environnement et de nombreuses zones sont drainées, chaulées, labourées pour en faire des prairies de fauche par ensilage ou fenaison, modifiant alors le milieu et provoquant son appauvrissement (pour faire court).
10h00- Notre première observation est celle d’une Pie-grièche grise. C’est un gros passereau, au comportement de petit rapace. Elle chasse les gros insectes, les lézards, les micro-rongeurs (campagnols, mulots), les jeunes oiseaux. C’est un oiseau assez farouche toujours difficile à approcher sauf quand elle est perchée sur les fils au bord de la route mais elle s’envole dès qu’on ralentit.
10h08- Nous entendons le chant du courlis retentir mais brièvement. Comme nous sommes restés dans la voiture pour être discrets, nous n’avons pas localisé la provenance du son. Réinspection des zones dégagées, des rochers, des piquets mais rien. Cécile voit une Hermine qui s’agite dans un muret, je ne la vois qu’une fraction de seconde sans pouvoir l’identifier.
10h24- Encore un chant non localisé. Ils sont là c’est sûr, nous allons donc partir sur une autre zone.
10h38- Au moment où je vais démarrer un chant retentit tout proche. Un oiseau se pose sur la prairie à 40 ou 50m de nous. Coup de jumelles, vite l’appareil photo, l’oiseau ne me regarde pas, je ne prends même pas le temps de régler les paramètres du boîtier, le chant retentit plus fort. Déjà l’oiseau s’envole, suivi par un deuxième que nous n’avons même pas vu arriver. C’est le deuxième oiseau qui chantait.
10h40- Nous repartons vers une petite dépression en sommet. Au bord de l’eau, un Héron cendré et une Grande Aigrette. L’air tremble tellement que je ne tente même pas une photo. Etonnamment, ces grands échassiers se retrouvent sur ce plateau pour pêcher des batraciens en reproduction ou capturer des campagnols. Juste avant de nous arrêter, nous avons vu passer un gros boudin sur pattes : un campagnol souterrain. Ces rongeurs de grande taille, font des dégâts sur les prairies en produisant des monticules de terres comme les taupes. Nous sommes sur un point haut et nous voyons la sogne que nous venons de quitter. Des chants de courlis y retentissent au passage d’une buse et je vois deux oiseaux en vol.
11h12- Nous reprenons la voiture pour revenir vers cette dépression. Au passage nous voyons un chevreuil mâle brouter une surface d’herbe tendre. Je sors la longue-vue et inspecte la sogne, je finis par trouver deux courlis mais au loin, de l’autre côté de la dépression.
11h30- Il est temps de revenir vers le point de ralliement non sans jeter des coups d’oeil sur des zones potentiellement accueillantes sur le chemin du retour.
12h04- Débriefing à Nasbinals. Les 15 participants auront prospecté 21 sites dont 11 accueillaient des courlis pour un total de 21 oiseaux minimum. RDV le samedi 9 avril prochain, pour ceux qui le peuvent, pour un deuxième passage sur les mêmes zones pour confirmer les couples déjà observés, voire de nouveaux.
C’est l’heure du pique-nique et Rémi nous indique un lieu sympathique où nous pourrons voir des Vipères péliades ! Nous partons avec plusieurs participants vers le Moulin de la Folle, le long de la Rimeize (la butte au dessus s’appelle la Fouolle, transformation des noms !). Arrivés sur place nous allons aussitôt à la recherche de ces reptiles. Sur le talus, je repère deux vipères, une dont je vois la tête dans un trou de campagnol et une qui disparaît rapidement sous la végétation. Une autre est photographiée au ras de la route, mauvais endroit si elle veut vivre longtemps. La faim est plus forte que l’adrénaline et nous nous installons au bord du ruisseau où passe un Cincle plongeur. J’ai bien regardé où je mettais les pieds et où je posais les affaires du pique-nique. Nous sommes accueillis par la gardienne des lieux, une Bergeronnette grise.
Comme d’habitude pas moyen de manger tranquilles sans être dérangés par des oiseaux. Un circaète passe et l’on voit dépasser de son bec la queue d’un serpent. Un bruant jaune se pose non loin sur un piquet. Huit Vanneaux huppés décollent au passage d’une buse mais se reposent. Une Pie-grièche grise est à l’affût sur une clôture et capture un petit lézard. Des Milans royaux cerclent…
Après le café (soluble) nous retournons à nos vipères. Nous n’en retrouvons qu’une, difficile à voir pour certains, tant elle se confond avec la végétation du talus. Malheureusement sa tête est cachée sous la végétation. D’après Jacky, sa couleur brune indique que c’est une femelle, les mâles sont gris. En altitude la Vipère aspic laisse sa place à la péliade.
Nous terminons cet après-midi sur l’Aubrac par ces charmantes bestioles et redescendons dans la vallée de la Colagne à Chirac pour visiter l’exposition photos animalières et nature, avec la rencontre de photographes de talents. Nous achetons une série de cartes à Christine Monier, l’approche de son travail sur les fleurs et les champignons est très poétique. Suivez ce lien pour voir ses photos https://www.flickr.com/photos/chrismos63