Mammifères

Monsieur Fiber va s’attirer des ennuis !

En novembre pendant un dîner avec des amis, la conversation s’oriente vers les castors. Notre hôte nous demande si le castor est une espèce envahissante et à problèmes. Pour nous, naturalistes, le castor ne fait que reconquérir les territoires d’où il avait été exterminé pour sa fourrure. Et pour les problèmes dus aux arbres rongés, nous en minimisons l’impact car ce sont souvent des peupliers en bordure du Tarn qui ne sont pas exploités. Mais l’affaire se corse quand notre hôte nous apprend que ce ne sont pas des peupliers mais un verger de cerisiers qui a été endommagé par ce gros rongeur ! Notre ami nous indique alors l’endroit et nous irons nous en rendre compte par nous même quand nous aurons un moment de libre. Le planning d’un retraité est très chargé !

Petite éclaircie cet après-midi. Nous partons à pied voir les dégâts causés par le castor. Le verger se trouve dans notre vallée à 1 km de la maison. Arrivé sur place, je me souviens avoir vu cet été un peuplier tombé dans le ruisseau en contrebas de ce verger mais j’avais pensé à cette époque que c’était plutôt dû au vent et je n’étais pas allé voir le pied de l’arbre. Effectivement, il a été abattu par le castor. Nous rentrons dans le verger et là nous nous rendons compte des dégâts occasionnés par notre ami à grandes incisives. De nombreuses branches sont coupées près du tronc, des troncs sont écorcés, des greffes sectionnées… L’arboriculteur ne doit pas être content du tout.

Comment se fait-il que le castor soit venu sur ce verger qui n’est pas en bord de Tarn mais à plus de 300 mètres ? Le castor pour y parvenir a dû remonter sur cette distance un ruisseau – affluent du Tarn – qui est à sec ou pratiquement. Les dégâts se sont produits cet été et depuis plus de nouvelles coupes. Pourquoi ?
Pour nous la réponse est simple, c’est le dérangement occasionné par les campeurs en bord de Tarn qui est responsable du déplacement du castor vers une zone de tranquillité. En effet, sur cette portion du Tarn sont installés 6 campings et 2 au niveau de la confluence de la Jonte. Les animations, la musique, les personnes au bord des plages, les chiens créent des perturbations dans la vie du castor. Un ou plusieurs individus ont donc remonté le cours de ce ruisseau pour avoir la paix et trouver leur nourriture sans être dérangés.

Un tronc particulièrement bien écorcé, ce n’est pas sûr qu’il reparte.
L’arbre réagit en émettant de la sève censée le protéger mais la cicatrice sera trop grande pour que la branche survive.
Le castor est remonté sur les 75m du verger ; avec un petit effort supplémentaire il pouvait se baigner dans la piscine de la maison du dessus.

Bon, espérons que la plupart des arbres s’en remettront. Ils devraient encore donner des cerises si le gel ne détruit pas la future récolte comme en cette année 2021.

Comment se protéger du castor ? Pas question de le tuer car l’espèce est protégée.
Le capturer pour le déplacer ? Un autre prendrait sa place.
Entourer les troncs des arbres de grillage ? Les départs de branches des cerisiers sont trop bas.

Le mieux est d’installer une clôture électrique autour du verger avec un fil à 25/30 cm du sol. Un verger situé à 350 m en amont a aussi subi les assauts du castor mais le propriétaire a réagi rapidement en installant un fil électrifié dissuasif.

Le Castor d’Europe (Castor fiber) est le plus gros rongeur en Europe. En moyenne il peut mesurer 1m de long et peser une vingtaine de kg, les grands spécimens peuvent atteindre 1,25m et peser 30kg. Sa principale caractéristique est sa queue plate et son mode de vie aquatique.

Ce castor sort de l’eau pour aller couper sa nourriture.

Contrairement à son cousin d’Amérique du Nord, le Castor d’Europe ne construit pas de grand barrage et de hutte ou très rarement quand les berges ne sont pas assez hautes. Il creuse des terriers pour ses gîtes dont il recouvre la cheminée d’aération avec des branches. L’entrée du terrier se trouve sous l’eau mais avec les variations de niveaux des rivières, il recouvre l’entrée de branches quand celle-ci est exondée. Il peut construire de mini-barrages sur de petits cours d’eau pour remonter le niveau lors de l’étiage ou si la profondeur du cours d’eau est insuffisante pour ses déplacements.

Le castor utilise ses pattes avant pour maintenir sa nourriture.

Le castor est parfois confondu avec le Ragondin (Myocastor coypus), gros rongeur aquatique. Cette espèce originaire d’Amérique centrale, échappée de captivité, continue de coloniser l’hexagone et se retrouve également sur le Tarn.

Jeune ragondin

La taille de gros mâles ragondins peut parfois prêter à confusion, mais la queue cylindrique, les poils blancs du museau, les poils jaunes vers les oreilles (plus grandes) permettent une identification certaine.

Famille de ragondins, notez le museau blanc, les poils jaunes sous les oreilles et les queues des jeunes
Castor d’Europe, remarquez la queue à la surface prête à frapper l’eau comme signal d’alerte pour ses congénères

Les photos de castors et de ragondins ont été prises en Loire-Atlantique. Malgré les nombreux indices de présence des castors au bord du Tarn et de la Jonte, je n’ai pas encore trouvé l’endroit idéal pour un affût photo. Peut-être un cerisier ?

Jean-Luc