Les ruffes du Salagou, 17 avril 2022
Situé à 8 km au sud de Lodève (Hérault), le lac du Salagou attire les touristes en ce week-end de Pâques ensoleillé. Nous (Cécile, Adélie, Thibaut et moi) ne sommes donc pas les seuls à venir visiter le village de Celles…
Etrange commune que Celles, village fantôme exproprié suite à la mise en eau du barrage du lac du Salagou. Les maison furent pillées et de nombreux matériaux récupérés. Le village est redevenu une commune, la mairie a été réhabilitée et une maison est pratiquement reconstruite. Les projets n’ont pas l’air de se bousculer. Pourtant le site est plein d’atouts.
Pour le film « Zone rouge » de Robert Enrico avec Sabine Azéma et Richard Anconina, des plans ont été tournés dans le village en ruine.
L’année dernière, nous avions entendu une Rousserolle turdoïde dans une petite roselière proche du village. Elle est revenue et lance son chant, demeurant bien cachée dans les roseaux secs. Nous la devinons deux ou trois fois mais pas moyen de l’observer convenablement. La turdoïde est une fauvette aquatique migratrice peu commune dans l’hexagone et sa répartition est très fragmentée. Ses bastions sont les étangs du pourtour méditerranéen et ceux de la Lorraine et des Dombes. C’est une espèce vulnérable car ses effectifs se sont effondrés même si une stabilité semble se prononcer ces dernières années au moins sur certains secteurs. La turdoïde privilégie les roselières pieds dans l’eau et la baisse du niveau du lac peut perturber sa reproduction.
Quand on arrive aux abords du lac, on est frappé par la couleur rouge des terres. Ces argiles rouges sont appelées ruffes, de rufus : rouge en latin ; elles datent du Permien (de-300 à -250 Ma) et font partie du bassin d’effondrement de Lodève. Ces effondrements ont été comblés par les matériaux d’érosion de la chaîne hercycienne, chaîne primitive de montagnes créée par la rencontre de 3 plaques tectoniques il y a environ 420 Ma ; elle s’étendait sur 3000 km du Portugal à la Bohême. Les géologues estiment que cette chaîne était aussi haute que l’Himalaya.
Ces couches d’argile peuvent atteindre par endroits 1000m d’épaisseur. Ces dernières gardent de nombreuses traces de rides de courant, de fentes de dessication, des traces de gouttes d’eau et des empreintes de reptiles antérieurs aux dinosaures. Cela a été possible sur des lagunes peu profondes et chaudes sous des climats tropicaux.
Nous croisons une cueilleuse de thym sauvage.
Mais je la reconnais, nous l’avions déjà vue sur les Rougiers de Camarès dans le sud-ouest de l’Aveyron, sur des argiles de même formation que les ruffes. En plus, elle est habillée de la même façon comme en témoigne la photo suivante.
Une autre particularité géologique est la présence de basalte, roche volcanique. Le Salagou se trouve sur une chaîne volcanique qui court sur 120 km depuis le Cap d’Agde (34) jusqu’au nord de Millau (12). Une douzaine de volcans sont éparpillés autour du lac. Les éruptions de type strombolien datent de -1.5 Ma à -1.2 Ma. Un volcan strombolien alterne phases d’effusion de lave par débordement et phases d’émissions de bombes volcaniques et de scories.
Pour construire maisons et murs de terrasse, les anciens habitants ont utilisé le basalte laissé sur place par l’érosion.
Adélie et Thibaut trouvent un criquet sur le chemin qui borde le lac. L’animal étant adulte, je suppose qu’il a passé l’hiver sous cette forme. C’est une Aïolope émeraudine (Aiolopus thalassinus) et mon guide dit que les adultes se montrent d’août à octobre. Sans doute dans le sud, les conditions climatiques sont-elles plus clémentes pour la survie des adultes.
Un Bruant proyer égraine son chant métallique, un beau mâle de Rougequeue à front blanc se pose rapidement sur le chemin, dans les airs l’Alouette lulu lance ses « lulu ».
Encore un criquet de belle taille (5 cm environ), c’est le Criquet égyptien reconnaissable à ses yeux rayés verticalement. Il nous échappe d’un vol puissant et bruyant. Lui est bien connu pour passer l’hiver sous la forme adulte.
Nous repartons pour randonner dans le cirque de Mourèze qui domine le lac du Salagou. Arrivés au village, là encore nous ne sommes pas les seuls à avoir eu cette idée de rando, le parking payant est plein et nous décidons de partir d’un autre chemin moins emprunté.
La géologie est bien différente puisque nous sommes maintenant dans des calcaires dolomitiques et la végétation est celle des garrigues.
Je vois passer un papillon et je suis tout excité car je suis sûr qu’il est rare pour moi. Après avoir couru un peu derrière lui et dans le mauvais sens de la rando, je réussis à le photographier de loin. C’est bien un Proserpine dont la répartition est méditerranéenne.
Nous marchons maintenant dans un mélange de pins et de chênes verts d’où émergent des pitons dolomitiques.
En fouillant bien, je trouve mon oiseau mythique, un Monticole bleu mâle puis un deuxième. Nous entendons des cris de randonneurs excités vers les crêtes, nous avons bien fait de prendre un autre chemin.
Après un ascension dans les chênes verts qui nous amène à 490m, nous voici enfin sur la crête qui domine le Salagou avec un panorama à 180° avec la ligne bleue, non pas des Vosges mais de la Méditerranée.
Nous passons près d’un ermitage d’où l’ermite avait une belle vue mais il ne fallait pas qu’il oublie le sel pendant les courses.
Nous redescendons sur Mourèze où les touristes sont pratiquement tous repartis.
La vue depuis les crêtes est vraiment magnifique et vaut l’ascension. Le cirque m’a moins impressionné mais quand on vient des gorges du Tarn et de la Jonte on est un peu blasé.
Jean Lerouge