Le Bonheur est dans le pré ! 2 octobre…
Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.
Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer.
Paul Fort ne croyait pas si bien dire !
Direction le petit Causse de Camprieu, causse témoin isolé à l’ouest du mont Aigoual. Nous allons visiter en bons touristes l’abîme de Bramabiau, rivière souterraine karstique qui sort d’une haute faille de ce causse. Nous sommes avec nos amis de l’Ardèche et du Vercors.
Sur le parking, nous sommes « accueillis » par la stèle d’Edouard Alfred Martel (encore lui) qui commémore le centenaire de la spéléologie.
Après avoir pris nos billets, nous descendons jusqu’à l’entrée de notre grotte qui est en fait la sortie de la rivière. Bramabiau, brame-boeuf en occitan, c’est le bruit des cataractes d’eau en crue qui rappelle le beuglement de cet animal (avec de l’imagination).
Comme il n’a pas plu depuis plusieurs semaines, le débit de la cascade n’est pas impressionnant mais offre tout de même un beau spectacle. Notre guide a une voix de stantor. Heureusement car il va devoir couvrir le bruit de la rivière pour que nous suivions ses explications et en plus il porte un masque.
Nous circulons sur des coursives de béton dans une haute galerie au dessus de la rivière. Parfois elle disparaît sous les blocs mais nous l’entendons toujours « bramer ». Le guide nous montre les différentes hauteurs qu’atteignent les plus fortes crues ; nous serions balayés comme des fétus de paille si l’eau montait. Effectivement, la roche est propre, pas de boue, le décapage est efficace. Lors de ces grands épisodes cévenols, tout le système d’éclairage est emporté, certaines passerelles doivent être reconstruites, les garde-fous et rambardes sont tordus ou descellés et il faut parfois 6 mois pour tout refaire.
Nous quittons la partie active (là où coule la rivière) pour rejoindre des parties fossiles plus en hauteur. Différentes types de galeries s’offrent à nos yeux. Les concrétions sont peu nombreuses mais toujours mises en valeur par un éclairage choisi.
Le creusement d’une galerie attire plus particulièrement notre attention par sa formation dite « en trou de serrure ». L’eau a d’abord circulé sous pression creusant une galerie plutôt ronde, puis s’est enfoncée creusant une galerie étroite à la faveur d’une faille. Le calcaire est bien creusé comme avec des coups de gouge, preuve d’une circulation rapide et intense.
Suspendue au dessus de nos crânes, une trémie tient entre eux des blocs impressionnants, scellés par des concrétions de calcite. Heureusement, ce n’est pas le jour des tremblements de terre. Il paraît que la surface n’est pas très loin de ces enchevêtrements minéraux.
Après une heure de visite, nous ressortons par un tunnel creusé qui permet d’éviter une partie de la remontée vers le parking. C’est pour les vieux dont je ferai bientôt partie ! Au plafond taillé dans un joint de strates marneuses bien plat, ont été mises à jour deux traces de dinosaures. Ces charmantes petites bêtes hantaient les rivage des lagunes peu profondes qui ont formé ces couches.
Les images à l’intérieur de Bramabiau ont été réalisées avec un smartphone peu performant en basse lumière
A l’air libre nous décidons d’aller voir cette rivière qui se perd sous terre, à environ 420m à vol d’oiseau de la cascade de sortie mais son parcours sous terre est plus long et labyrinthique.
La rivière s’appelle le Bonheur. Ce sont donc les pertes du Bonheur. Aujourd’hui, la rivière ne coule pas, juste une grande vasque d’eau calme avant l’entrée. L’eau doit s’insinuer sous les galets et les alluvions. Les dimensions de la galerie d’entrée sont imposantes. Le Bonheur a creusé les couches calcaires de faibles épaisseurs entrecoupées de couches fines très friables et des blocs imposants, tombés du plafond, jonchent les bords du tunnel. Toujours pas d’eau.
Au fond du tunnel, la lumière pénètre par l’aven du Balset.
La galerie continue encore quelques dizaines de mètres mais la suite devient « spéléologique ». Entraîné par Pat, nous continuons dans des galeries moins imposantes. De nombreux diverticules et de gros blocs à désescalader nous font hésiter sur le chemin à prendre, le son de l’eau nous guide. Nous nous arrêtons devant une grande vasque infranchissable sans équipement. De toute façon, nos épouses nous attendent dehors, alors demi-tour.
Revenus dans le tunnel d’entrée, je découvre une empreinte de dinosaure sur une des dalles inclinées. Je ne suis pas vraiment le découvreur car les contours de la trace sont soulignés par un trait clair fait avec un caillou. Je remonte alors vers la sortie pour faire revenir le reste du groupe et admirer ces vestiges d’au moins 66 millions d’années, date de l’extinction de ces reptiles.
Ce sont 3 dalles en rive droite qui portent les traces de passage mais il est difficile de distinguer des empreintes nettes et caractéristiques malgré l’éclairage rasant naturel.
Je pars sur la rive gauche et trouve une autre empreinte , soulignée elle aussi.
A la sortie, Cécile nous fait remarquer que la rivière, qui ne coulait pas à notre entrée, s’écoule doucement en amont de la vasque avant le tunnel. Pourtant les nuages sur l’Aigoual n’ont quand même pas eu le temps de faire monter le niveau du Bonheur ! Peut-être que si ! Comme quoi les rivières souterraines peuvent vite s’avérer des pièges en cas de pluie même lointaine.
Les photos des empreintes ont été refaites le 16 octobre avec un appareil photo digne de ce nom. Le Bonheur coulait dans son lit, rendant plus acrobatique la circulation pour faire les clichés. Pourtant il n’avait pas plu depuis le 4 octobre. Nous avons eu de la chance de pouvoir parcourir le tunnel sans eau le 2 octobre.
Rendez-vous pour la prochaine crue spectaculaire !