oiseaux

La bague au doigt, 20 juin 2022

-On doit baguer le poussin de moine derrière chez toi, tu viens ?
Je réponds par l’affirmative à ce SMS
La LPO Grands Causses va baguer un poussin de Vautour moine à proximité de la maison, une telle proposition ne se refuse pas…

Contrairement aux Vautours fauves qui nichent sur les parois rocheuses, les Vautours moines nichent isolément au sommet des arbres sur les pentes des gorges ou des vallons sauvages. Chaque année, la LPO Grands Causses bague tous les poussins de Vautours moines. C’est possible car ils ne sont pas encore nombreux : moins de 30 couples, et tous les poussins ne survivent pas jusqu’à l’âge d’être bagués. Le baguage permet de connaître la longévité de l’oiseau, ses déplacements, la fidélité des couples, etc. Encore faut-il pouvoir lire les bagues…

Après un long périple sur le Causse de Sauveterre, nous nous approchons à pied des crêtes pour tenter de repérer le nid en le surplombant.

Le nid est sous la flèche

Moi qui ne suis pas très grand, je suis obligé de monter sur un caillou pour deviner l’emplacement. Sans savoir que les oiseaux nichent, impossible à repérer. Nous descendons la pente au milieu des buis, des pins, des genévriers et autres broussailles. Un adulte, sans doute la femelle, revient avec des matériaux dans le bec pour parfaire le nid, nous indiquant avec certitude sa localisation.

L’adulte est au nid sous la flèche

Nous sommes descendus à la hauteur du nid, l’adulte s’y tient et nous a répérés mais ne s’envole pas. Le panorama est magnifique. Je paierais cher pour une telle vue même si je n’ai pas à me plaindre de notre maison.

Nous sommes seulement à 20m mais la femelle ne s’envole toujours pas. Une buse serait partie depuis longtemps.

L’adulte stoïque sur l’aire

A 10m l’adulte s’envole. Le poussin se tient au bord du nid bien applati pour tenter de ne pas attirer l’attention.

Faire la crêpe pour tenter de passer inaperçu

Mes collègues s’équipent pour grimper dans l’arbre. C’est Renaud qui ira au nid et Thierry qui l’assurera. Le pin sylvestre n’est pas très grand et l’aire se trouve vers 7m de hauteur mais la configuration du sommet de l’arbre n’offre pas de grosse branche permettant de sortir du pin pour travailler facilement sur le poussin.

Renaud va donc poser une bague du Muséum d’histoire naturelle de Paris avec un n° qui permettra de connaître la date et le lieu du baguage, l’espèce de l’oiseau, son sexe, son âge approximatif, éventuellement son poids et le nom du bagueur. Cette bague est lisible seulement en cas de capture de l’oiseau ou sa récupération sur un cadavre, plus facile sur un gros oiseau. Ensuite une grande bague de couleur avec trois lettres gravées permettra une identification plus lointaine avec une longue-vue. Cette bague est lisible quand les oiseaux participent à une curée* ou quand ils sont sur un reposoir. La lecture quand le vautour vole est pratiquement impossible, sauf avec une photograhie de qualité.

Le plus compliqué n’est pas de monter dans l’arbre

Arrivé sous le nid, Renaud est obligé de mettre plusieurs sangles de sécurité car la grosseur des branches sommitales est assez faible. De mon côté, je monte dans un pin pour dominer légèrement la scène.

Un poussin gros comme un dindon
Un peu d’inquiétude chez le poussin
Mais on m’attaque par dessous !
Face à face !

La sortie de Renaud est laborieuse et il va faire au poussin « le coup de la serviette ».

Et hop c’est la nuit !

Une fois la tête recouverte par la serviette, celui-ci se tient immobile permettant à Renaud de se hisser un peu plus pour travailler à l’aise. Mais il faut remanipuler le poussin pour avoir les pattes à portée.

Renaud pose la bague muséum en premier, le métal souple se referme avec une simple pince multiprises.

Ensuite c’est la pose de la bague avec le code alphabétique. Il faut ouvrir la bague avec une pince écarteuse tout en la plaçant autour du tibia du poussin.

La bague de couleur blanche et ses trois lettres : JCW

Une fois refermée autour du tibia, la bague est rivetée avec une nouvelle pince.

Rivetage de la bague

Ce n’est pas fini, Renaud coupe 2 plumes et arrache deux duvets qui serviront à sexer le poussin et contrôler son état de santé avec le sang contenu dans les tubes des plumes en pleine croissance.

Prélèvement des plumes pour analyse

Avant de redescendre, notre bagueur récupère des plaques d’identification qui étaient sans doute fixées sur les oreilles de cadavres de moutons. Elles permettront de savoir jusqu’où les vautours vont chercher leur nourriture et sur quelles placettes de charnier. Un mâle de moine qui nichait dans ce même vallon, allait chercher sa nourriture jusqu’au sud d’Issoire soit environ 120/140km. Dans un nid de moine ont été trouvés des os de marmottes dont les plus proches colonies se trouvent sur le Plomb du Cantal ou en Haute-Loire vers le Mézenc à environ une centaine de kilomètres.

Plaques d’identification fixées aux oreilles des ovins, des caprins ou des bovins
Au revoir moinillon

Nous allons suivre la suite de la reproduction de loin, depuis une route en contre-bas. Quand le poussin sera près de l’envol , nous nous permettrons un petit moment d’observation plus proche du nid depuis un chemin que nous connaissons, fort peu fréquenté heureusement. L’année dernière dans cette vallée, une reproduction avait échoué avec le poussin prédaté, Voir l’article publié le 30 juillet 2021 : « Suivi Vautour moine 2, tragique épilogue ».

Jean-Luc de la Chaussée aux Moines

Jean-Luc