Un sémaphore ? Non un spermatophore !
28 septembre 2021
Nous emmenons nos cousins sur le Causse Méjean faire une petite promenade digestive. Comme Jacques n’est pas un grand randonneur, nous retournons à un endroit connu sans dénivelé. Le ciel est couvert et les Orthoptères se taisent, rien ne saute devant mes pas. Les Faucons crécerellettes sont repartis pour continuer leur migration, les Busards cendrés et les circaètes aussi, le ciel paraît vide. Les couleurs des Chardons bleus sont passées, reste le plaisir de marcher dans la steppe.
Cécile me fait des signes, elle a dû trouver quelque chose sur le chemin. C’est une Ephippigère qui mange un criquet. L’a-t-elle attrapé ou est-ce un cadavre écrasé par un randonneur ? Chez les Orthoptères, de nombreuses espèces phytophages mangent de temps à autres une nourriture carnée, souvent d’autres Orthoptères, même de leur espèce. En 2019 il y avait une pullulation de caloptènes sur le Causse Méjean, ces criquets se faisaient écraser par milliers sur les routes et d’autres caloptènes venaient dévorer les cadavres et se faisaient écraser à leur tour et ainsi de suite.
Nous descendons en direction d’un frêne qui pousse isolé sur le causse lorsqu’un chevreuil mâle détale. Personne ne l’avait vu. Je ne pense même pas à faire une photo car je profite du spectacle : le grillage à mouton est bientôt franchi d’un bond aérien et le chevreuil disparaît derrière la crête.
En fouinant autour de buissons de buis et de genévriers, nous découvrons des restes d’ossements de brebis qui ont été décharnés par les vautours, preuves de leur rôle de nettoyeurs naturels. Il n’aurait pas été évident pour un éleveur de retrouver ses brebis avant la propagation de la maladie qui a causé leur mort. En général, les brebis ne meurent pas de vieillesse car elles sont réformées à l’âge de 7 ou 8 ans ou après 6 agnelages et alors envoyées à l’abattoir.
Entre deux découvertes naturalistes, la lecture du paysage nous amène à réfléchir aux pratiques agricoles. Ici une doline* cultivée pendant des millénaires depuis le néolithique où l’on perçoit sur les bord le cercle d’épierrement formé caillou après caillou par les générations de cultivateurs qui se sont succédées sur ces terres. Aujourd’hui son diamètre est trop petit pour la taille des engins agricoles actuels, toujours plus gros pour aller plus vite. Autrefois les bergers parquaient leurs troupeaux de moutons sur ces parcelles pour fumer la terre.
Ici un polje*, grande dépression plane où les engins agricoles peuvent « s’exprimer ». L’heure est aujourd’hui au « mange pierres », broyeur attelé à un tracteur qui réduit en poudre et petits caillloux, les pierres qui parsèment les terres argileuses. Certaines pentes et vallons non exploités sont ainsi transformés en champs cultivables.
Cécile m’appelle, encore une trouvaille. C’est une Ephippigère des vignes femelle avec un curieux agglomérat blanc à l’extrémité de l’abdomen.
C’est une femelle qui porte un spermatophore. Chez les sauterelles et les grillons, les mâles fixent cette masse gélatineuse sous les plaques génitales de la femelle. Cette masse contient les spermatozoïdes dans des petits ballons orange. Il n’y a donc pas de véritable copulation pendant l’accouplement. Après celui-ci, la femelle mange la gélatine du spermatophore, pendant ce temps l’insémination a le temps de s’effectuer.
Quel avantage à ne pas copuler ? Sans doute minimiser les risques de prédation pendant l’acte, deux grosses sauterelles forment une masse plus facile à repérer et capturer.
Sur le chemin du retour, nous rencontrons un grillon et une mante.
Finalement, comme oiseaux, nous n’aurons vu que deux Alouettes des champs et une dizaine de Linottes mélodieuses mais les autres découvertes furent intéressantes.
Les mots suivis d’un astérisque* sont expliqués dans la catégorie glossaire qui sera mis à jour selon les besoins.