oiseaux

Baouma Roussa, 18 décembre 2023

Nous en rêvions depuis longtemps mais un claquage au mollet, la chaleur de l’été, le planning minuté des retraités nous faisaient remettre à plus tard cette ascension vers un vaste porche traversant la pointe d’une falaise de dolomie bathonienne. Cette fois ci, ce fut la bonne !

La Baume Rousse en automne

Nous empruntons à pied la route qui monte depuis le Truel vers la Viale sur le Méjean. C’est une route étroite où il est impossible de se croiser sauf en dehors de rares emplacements. En s’engageant en véhicule sur cette route, il faut savoir reculer sur une centaine de mètres sans avoir peur de basculer dans le vide !

Porche aval de la baouma

Le sentier qui grimpe à la grotte n’est pas si évident à trouver à son départ. Ensuite pas de problème, il est bien tracé.
Cette grotte est le résultat d’un parcours souterrain de la Jonte au début du creusement du canyon. A l’entrée, de nombreuses fientes et débris végétaux me laissent à penser qu’une petite colonie de Craves à bec rouge doit y nicher. Nous verrons cela au printemps prochain. Je passe le premier avec une corde pour rassurer Cécile dans la petite escalade aux prises polies par le passage des humains.

Vue depuis le porche amont, la route étroite en lacets

Le jour éclaire partout dans la cavité. Et les trouées sur ciel sont magnifiques.

La lumière tombe du ciel

Deux Vautours fauves s’envolent d’une petite vire située à moins de 20m. J’espère qu’ils n’ont pas l’intention de nicher là car vu la fréquentation de cette grotte leur projet est voué à l’échec !

Fenêtre sur gorges, avec le village du Truel dans l’ombre

En me penchant sur le vide, j’aperçois 3 Accenteurs alpins qui picorent sur une paroi végétalisée.

Accenteur alpin

Accroché à la paroi, l’accenteur déniche des proies dans les anfractuosités de la roche.

Je te sortirai de ce trou là !

Des Vautours fauves arrivent face à nous et je n’ai même pas le temps de dézoomer, ils dépassent rapidement le cadre.

Plein cadre

Mais celui que nous sommes venus chercher est beaucoup plus petit que ces gros lourdauds de rapaces : il a la taille d’un moineau. Et nous ne tardons pas à en voir arriver deux dans une poursuite. Ce sont des Tichodromes échelettes mais hélas ils disparaissent au dessus du porche. Comme les accenteurs, ce sont des hivernants venus des Pyrénées ou des Alpes. Nous ne tardons pas à voir un Tichodrome arriver de la droite, peut-être un troisième oiseau ? Celui-ci daigne s’arrêter au-dessus de nous, vite je me saisis de mon appareil…

Poids plume pour escalade vertigineuse !

Ce petit passereau est un spécialiste des escalades de parois verticales qu’il arpente grâce à ses ongles très développés surtout celui du doigt arrière ; il est même capable de rester accroché au plafond de strates surplombantes.

Pas de photo renversée, c’est moi qui suis sur le dos pour le photographier !

Dès le mois d’octobre, les tichodromes quittent l’étage alpin* des Pyrénées ou des Alpes pour retrouver les parois et les falaises des zones plus basses. Les gorges du Tarn, de la Jonte et de la Dourbie leur conviennent parfaitement mais nous n’avons aucune idée du nombre d’hivernants qui « squattent » nos falaises. Ce passereau peut aussi se retrouver très loin des zones montagneuses ; il prend alors possession de châteaux médiévaux, de cathédrales, de clochers, de ponts, voir de villages en pierres apparentes. Il est capable de pousser fort loin ses migrations comme les falaises du cap Fréhel ou la ville de Dinan, toutes deux dans les Côtes d’Amor.
Sur la carte suivante, vous verrez sa répartition hivernale en 2023 (données issues de la base de données de Faune-France).

Présence du Tichodrome échelette à partir du 1er octobre 2023

Sur la carte suivante, vous verrez sa répartition sur la période de reproduction en 2023. Vous remarquerez un attardé dans le Cantal. La population corse est mal connue. Quelques reproductions ont déjà été attestées dans le massif du Jura.

Présence du Tichodrome du 15 avril au 30 septembre 2023

Son nom scientifique Tichodroma muraria vient du grec ancien « mur » et « coureur » et du latin « rempart » d’où un pléonasme. « échelette » vient du vieux français écheler c’est à dire escalader. D’apparence grise et noire, le tichodrome dévoile sa beauté quand il ouvre les ailes. Les couvertures supérieures de l’aile sont rouge carmin ainsi qu’une zone des rémiges. Une série de zones blanches sur les rémiges forment une ligne continue bien visible par dessous quand ses ailes sont écartées. Des perles blanches sur les quatre grandes rémiges viennent compléter son habit. Le tichodrome est secoué comme par des tics, il ouvre souvent ses ailes nerveusement ; certains pensent que ces mouvements dérangeraient ses proies les rendant ainsi plus vulnérables.

Pour changer de poste, notre coureur se laisse souvent tomber dans le vide.

GO ! Photo prise à St Marcellin en 2021
Banzaï !

C’est un oiseau très vif et on peut dire qu’il nous fait tourner la tête dans tous les sens changeant souvent de paroi.

N’ayez crainte, il ne va pas s’écraser contre la paroi
On comprend pourquoi certains l’appellent « papillon des murailles »

Son bec très long et fin lui permet de capturer des insectes, des larves, des œufs, des araignées, des lépismes (cousins des « poissons d’argent » de nos maisons).

Ces observations valaient bien notre grimpette jusqu’à la Baume Rousse. Nous y reviendrons pendant l’hiver pour la photo du siècle, on peut toujours rêver.

Jean-Luc Lagrimpe

Je vous recommande la lecture du très beau livre « TICHODROME Follet de l’à-pic » du regretté Christophe Sidamon-Pesson, aux éditions Hesse. Mais celles-ci n’existent plus. Ce livre est cependant encore en vente mais seulement en coffret prestige à 69€ avec un film sur cet oiseau et 4 tirages photo de luxe. Suivez ce lien :

https://www.c-sidamon-pesson.com/produit/coffret-tichodrome/

Le film « l’oiseau papillon » est en vente au éditions de la Salamandre au prix de 20€

https://boutique.salamandre.org/dvd-l-oiseau-papillon.pdt-506/

Je n’ai pas trouvé en occasion cet ouvrage sur internet.

Jean-Luc