Sus aux Orthoptères sur le Méjean !
Sortie du 1er septembre 2021
Comme Cécile est à Paris, les souris dansent ! Je vais prospecter les Orthoptères sur le Causse. Il est vrai que pour les non passionnés, un après-midi captures, photos, identifications est plutôt lassant.
Je me dirige vers Drigas au hasard. Je m’arrête pour observer des dolines avec quelques haies dans l’espoir de trouver quelques pies-grièches dont la méridionale. L’air tremble sous l’effet de la chaleur et même si je viens de repérer quelques écorcheurs, j’ai bien du mal à savoir si ce sont des jeunes ou des adultes. Une huppe se pose dans une luzerne coupée. Je monte la longue-vue mais je ne la retrouve pas. C’est alors un Rollier d’Europe que je découvre mais un busard le chasse ainsi que tous les oiseaux du coin. Il s’agit d’un Busard St Martin type femelle, sans doute un jeune mais c’est trop flou. Après cette belle découverte du rollier, je peux m’adonner à mon « vice » : sus aux Orthos !
Je stationne là où je sais trouver des éphippigères et des dectiques. Les « tsiiip » des mâles d’Ephippigères sont moins nombreux que la dernière fois, leur stridulation est encore perceptible à mes vieilles oreilles. Les femelles sont aussi capables de striduler pour répondre à l’appel des mâles. Je ne tarde pas à trouver un mâle. Malgré leur taille d’environ 30mm, ce n’est pas si évident de les trouver.
L’Ephippigère des vignes est une grosse sauterelle sans ailes. Elle est répandue dans toute la France sauf dans les départements du Nord, de la Somme et du Pas de Calais. Dans les Pyrénées Orientales, elle est remplacée par une sous-espèce, Ephippiger diurnus cunii. L’occiput est toujours marqué de noir. Les femelles d’éphippigère comme toutes les sauterelles possèdent un appareil pour enfoncer leurs oeufs, l’ovipositeur ou oviscape, en forme de sabre chez cette espèce, qui est pratiquement aussi long que le corps. La couleur n’est pas un critère pour reconnaître le sexe. Cette femelle verte aurait plus de chance de passer inaperçue si l’herbe était verte.
Les éphippigères stridulent en frottant entre elles, ailes et élytres non développées. A ce moment, il incline son thorax.
Une stridulation continue provient des Dectiques des brandes (Gampsocleis glabra) très nombreux sur le Méjean. Dès que je m’approche après avoir localisé la provenance du son, la sauterelle s’arrête. En général, ces dectiques « chantent » en hauteur accrochés à la végétation. Si vous ne les entendez pas, votre spectre auditif est réduit, les fréquences hautes ne « passent » plus.
L’espèce vole bien et ses longs fémurs arrières permettent de grands sauts.
Les populations atlantiques sont pratiquement éteintes ; l’espèce est encore présente mais rare dans le département des Landes. Comme toujours, c’est la disparition des biotopes qui a entraîné son extinction dans de nombreux départements.
L’ovipositeur des femelles est long et légèrement incurvé vers le bas.
De nombreux caloptènes sautent devant mes pas découvrant le rose de leurs ailes. Impossible de se fier à leur couleur générale pour différencier les deux espèces que je peux rencontrer ici. Pour les femelles, la différenciation entre les 2 espèces est compliquée et nécessite une longue manipulation des ailes et des tegmina (=élytres, un tegmen, des tegmina). Le mieux est de capturer quelques mâles pour observer de près leur pénis (hou les voyeurs !). Il faut manipuler les mâles, écarter les cerques (appendices en forme de pinces, permettant de saisir la femelle pendant la copulation) et découvrir ainsi le pallium (pénis). Pallium en forme d’aileron de requin : Caloptène italien, Calliptamus italicus; Pallium arondi : Caloptène de Barbarie, Calliptamus barbarus. Les mâles sont toujours de taille inférieure par rapport aux femelles. Les caloptènes ne stridulent pas, donc pas d’identification par l’oreille.
Les livrées des caloptènes sont vraiment variées et adaptées au milieu qu’ils fréquentent : biotopes arides et dénudés, stations rocailleuses, cours caillouteuses dans des villages. La steppe caussenarde leur convient parfaitement.
Sur la photo suivante, les tegmina sont cassés et laissent apparaître les ailes.
Une belle surprise m’attend un peu plus loin en changeant de lieu. Un petit criquet noir à qui il manque une patte arrière ne peut m’échapper. C’est un Oedipode des steppes (Celes variabilis), espèce assez rare et peu répandue qui a aussi disparu de l’Ouest de l’Europe. En France, la Lozère, l’Aveyron et les Pyrénées-Orientales accueillent des populations, en Ardèche les effectifs sont faibles.
Les mâles sont petits et noirs, les femelles plus grandes et leurs robes sont de couleur brun-gris à brun-rouge avec de nombreuses macules plus sombres. Les ailes sont rouges et noires. Le fémur arrière ne comporte pas de décrochage comme les Oedipodes rouges, Oedipoda germanica.
Je suis parti en oubliant mon guide d’identification des Orthoptères, et ma nouvelle capture me pose question. C’est une arcyptère, pas très contrastée et ses fovéoles (petites fosses sur le front) sont bien marquées. Je penche pour une Arcyptère caussenarde, Arcyptera microptera carpentieri. C’est la première fois que je l’observe. Une fois libérée, elle me fausse compagnie sans que puisse faire d’autres photos, partie remise. C’est une espèce rare du Sud du Massif Central, connue sur 5 départements.
Dans la végétation sèche, des criquets verts se démarquent des autres espèces. Ce sont sténobothres (un nom bien simple à retenir !). Plusieurs espèces peuvent se rencontrer sur le Méjean. Sur la femelle que je photographie, des zones sont d’un rose-violet. De nombreuses espèces de criquets ont des individus qui arbore cette couleur mais on ne sait pas pourquoi.
Les mâles de bourdonneur sont petits et paraissent appartenir à une autre espèce.
Une grosse sauterelle bien verte ne me pose pas de problème d’identification : c’est un Dectique verrucivore, Decticus verrucivorus. Son nom provient d’une croyance populaire que cette sauterelle pouvait guérir les verrues en les mordant et en déposant dessus les sucs intestinaux que le dectique recrache quand on le saisit.
L’intérêt de photographier les Orthoptères c’est de les voir en gros plan et de pouvoir détailler leur anatomie. Quand on n’est pas sûr d’une identification, on peut regarder tranquillement ses guides et suivre des clés de détermination. Chaque biotope livre de nouvelles espèces. J’ai mis un moment avant d’entreprendre des déterminations. Avec un fascicule « Les Orthoptères de Vendée », je me suis lancé dans l’aventure. Vous découvrirez un monde nouveau au ras de terre. Vous pouvez aussi suivre ce lien pour charger un guide de détermination des Orthoptères de Poitou-Charentes, même si toutes les espèces ne sont pas concernées : http://www.poitou-charentes-nature.asso.fr/cle-orthopteres-poitou-charentes/
J’utilise le « cahier d’identification des Orthoptères » des éditions Biotope qui permet d’identifier tous les Orthoptères de France, de Belgique, du Luxembourg et de Suisse.