
Discret, terne mais efficace, 26 juin 2025
Tous les oiseaux n’ont pas ni la chance d’être colorés ni d’avoir un chant mélodieux ; certains n’ont vraiment pas de bol quoique… passer inaperçu peut présenter un avantage face aux prédateurs ou aux trafiquants d’oiseaux.
Jacques Delamain (1874-1953), ornithologue français, le décrivait ainsi : « S’il existe un oiseau qui éveille peu la curiosité et l’intérêt, c’est bien ce Gobe-mouches avec son plumage gris souris qui tourne au blanc sale sur la gorge et le ventre. Pas une note de couleur un peu vive sur cette robe aux tons neutres […] Ni la tenue un peu débraillée de l’oiseau, avec sa plume souvent mal lissée, ni sa voix menue ne modifient l’impression qu’on a […] d’un être terne, un peu triste et indifférent. »
Son nom scientifique Muscicapa striata vient du latin musca = mouche, capa = saisir et de striatus = rayé.

Le Gobemouche gris est un migrateur qui nous revient d’Afrique dès avril avec un pic des arrivées dans la première décade de mai.
Son chant plutôt semblable à un simple cri aigu, sera le moyen le plus sûr de le repérer à son retour.

Ce Gobemouche est présent dans toute la France mais se raréfie à l’étage montagnard. On le trouve le long des ripisylves*, dans les vieux vergers (devenus rares), les parcs urbains, les villages avec de vieux arbres, les lisières et clairières de forêts, les bois clairs de feuillus, les peupleraies…


Gobemouche le bien nommé par sa technique de chasse, il guette les insectes depuis un perchoir : une branche morte généralement, une clôture, un piquet. Au passage de l’insecte, il se détend comme un ressort et le saisit avec son bec ; parfois une poursuite acrobatique s’engage surtout avec les papillons. De retour au perchoir, il assomme sa victime ou élimine les parties dures, élytres, dards ou ailes. Par temps de pluie, il effectue des vols stationnaires pour capturer ses proies sous les feuilles.
Les humains ne le gênent pas spécialement et il installe parfois son nid sur les maisons, caché tout de même, dans une vigne vierge, une glycine, un lierre… Certains couples, malgré leur choix de la proximité humaine, sont susceptibles et attendent que les habitants s’éloignent pour regagner leur nid.

Depuis un moment je voyais les Gobemouches perchés sur la cheminée ou l’antenne tv de la maison abandonnée voisine de la nôtre et je me disais que le nid devait être bâti dans un recoin ou derrière un vieux volet. Notre fils, affalé sur le lit du bureau, me dit :
– Papa, y’a un oiseau qui niche dans le mur de Pierre !
Pierre, c’est notre voisin dont le pignon est à moins de 4 m de la fenêtre du bureau.
– Un moineau qui rentre dans un trou ?
– Non, il est couché sur des gaines.

Jumelles aux yeux, je découvre l’oiseau en question, c’est un Gobemouche gris ! Voilà pourquoi je les voyais souvent perchés à proximité. Je suis dans le bureau tous les jours, je ferme et j’ouvre le volet et je ne les avais pas remarqués. Je n’ai pas fait de mon fils un ornitho mais quelques notions ont tout de même germé.

Il serait facile de mettre un filet de camouflage à la fenêtre ouverte pour les photographier mais c’est la canicule et je ne vais pas faire rentrer de l’air chaud. Je ferai les photos fenêtre fermée tant pis pour la netteté. Et en plus, un restant sec de vigne vierge pend au mauvais endroit. Nous sommes le 13 juin ; avec de la chance nous pourrons suivre le développement de la nichée.
Nous n’avons pas de vue plongeante sur le nid et difficile de dire si des oisillons sont sous l’oiseau qui couve.
19 juin : ça y est, j’aperçois pour la première fois deux becs d’oisillons.

21 juin : l’invasion des Pyrales du buis bat son plein, merci de participer à leur régulation. Les poussins sont quatre.

24 juin : le nid commence à être petit !

Pour garder le nid propre, les adultes évacuent les fientes des poussins. Les matières fécales sont enveloppées dans une poche appelée sac fécal.

25 juin : Je ne compte plus que trois poussins.

26 juin : le dernier s’envole ce jour. Je ne les trouve pas vraiment prêts à affronter le monde. Croisons les doigts !

J’entends quelques jours après l’envol les cris des Gobemouches puis plus rien du tout. La famille a quitté les abords de notre maison.
Combien de poussins arriveront en Afrique ? Un ou deux au maximum et il faudra revenir au printemps prochain !
Jean-Luc Dalton