fossiles géologie

Sur les traces d’Eubrantes giganteus, 3 mai 2025

Un marais côtier, une bande de prédateurs… 200 millions d’années après, le travail d’un passionné nous plonge dans ce monde perdu…

Trouver des activités pour un enfant de 8 ans n’est pas forcément mon fort sauf s’il s’agit de nature. Quoi de mieux quand un enfant s’intéresse aux dinosaures, que de l’emmener voir leurs traces.
Les vallées des Causses et leurs étages géologiques se lisent comme des livres mais les feuilles sont quand même difficiles à tourner ; marteaux, burins, pieds de biche sont nécessaires.

les outils du paléontologue

Dans un vallon au dessus de la vallée du Tarn en aval de Millau, un passionné travaille au dégagement d’empreintes de dinosaures. Découvertes en 1997, ces traces sont remarquables par leur taille et leur nombre.

Sur le chemin qui monte au site, nous avons la surprise de découvrir des centaines de têtards, dont certains tout juste éclos. Ils vivent sur les dalles du chemin, recouvertes par un mince filet d’eau. L’eau s’écoule depuis le pied d’un banc rocheux. Que vont-ils devenir quand la saison sera moins pluvieuse ?
Ces têtards sont un bon sujet de réflexion sur l’apparition de la vie sur la terre ferme.

Deviendront-ils crapauds ou grenouilles ?

Le premier site révèle de suite qu’il ne faisait pas bon se promener sur ces plages argileuses ; « Jurassique Park » nous a traumatisés à vie. Leurs dimensions mais surtout leur netteté sont impressionnantes.

Le premier site, dans les cercles noirs deux empreintes

Les empreintes sont tridactyles, laissées par des grands prédateurs Théropodes de la famille des Carnosaures, marchant sur les pattes arrière. Ces sympathiques bestioles devaient mesurer pour les plus grandes 9m de long pour une hauteur de 3.5 à 4m. Sur certaines empreintes, les griffes sont bien marquées ainsi que les coussinets des phalanges.

Mes chaussures et le jeton de lavage donnent l’échelle
Les traces rouges, faites par le paléontologue, permettent de mieux cerner les empreintes

Il y a 200 millions d’années les causses étaient des lagunes ou marais côtiers de faible profondeur. Les niveaux étaient variables, parfois ces lagunes s’asséchaient, parfois les niveaux remontaient sur de longues périodes. Pendant cette période de variation de niveaux d’eau, les dépôts sédimentaires ont créé des mille-feuilles de calcaire, tantôt épais, tantôt minces.
Quand les lagunes s’asséchaient, les dinosaures déambulaient sur les plages imprimant leurs pas dans la vase. Une remontée des eaux les recouvrait d’une couche de sédiments les protégeant ainsi jusqu’à nos jours.

La piste continue mais il y a du travail en perspective !

Le niveau géologique où se trouvent ces empreintes s’appelle l’Hettangien. C’est le premier étage stratigraphique du Jurassique inférieur et il s’étend de -201.4 Million d’années à 199.5 Ma + ou – 03.Ma. Cet étage est caractérisé par des dolomies à débit parallélipipédique (ça en jette !).

Coupe géologique dans la vallée du Lummensonesque située à 11 km du site de Peyre
Deux empreintes de patte droite prouvent que deux prédateurs se sont suivis

Pendant notre visite, un homme nous fait signe de monter plus haut. Nous avons la chance qu’un paléontologue soit sur le site. Il y travaille depuis bientôt 30 ans.

Monsieur Jacques Sciau devant une petite partie de son travail titanesque

Ce « personnage » qui a bourlingué, consacre maintenant une partie de son existence à ce chantier. Il nous apprend qu’il a 94 ans ! Plaise à Dieu que je sois aussi en forme si j’atteins son âge (voilà que je deviens bigot !).
Il vient dégager plusieurs fois par semaine de nouvelles traces, le travail est titanesque, et quand s’arrêter ? Pour avancer de 50cm horizontalement sur un niveau, il faut vite dégager jusqu’à 1.5m de hauteur et il y aura peut-être d’autres traces sur les couches à enlever. C’est sans fin.

Dans les couches les plus épaisses apparaissent de fines couches en saillies dues aux dépôts d’algues
Je sens le sol trembler sous leurs pattes
Les coussinets des phalanges sont bien visibles

D’autres dinosaures parcouraient aussi ces rivages. Ils ont laissé d’autres types empreintes avec un doigt à l’arrière.
D’autres beaucoup plus légers ont à peine marqué la vase. M. Sciau dit qu’il faut venir l’hiver quand la lumière du soir est plus rasante et met ces traces en valeur.

Le doigt de gauche n’est pas très marqué

Nous avons passé un bon moment sur ce site et ce fut une chance d’avoir pu rencontrer un passionné et d’échanger avec lui. Le musée de Millau comporte une intéressante section paléontologique de cette époque. Nous y emmènerons nos amis lors de leur prochaine visite.

Jean-Luc Grant

Jean-Luc