Le miroir aux alouettes, 23 octobre 2024
Expression populaire, « le miroir aux alouettes » désigne une chose qui semble séduisante mais qui finira par être une tromperie, une illusion. C’est la base du travail des escrocs, faire rêver pour mieux tromper. Mais d’où vient cette expression ?
Le « miroir aux alouettes » est à la base un leurre destiné à la chasse aux alouettes. C’est une silhouette de bois dans laquelle sont incrustés, en général, des morceaux de verre ou de miroir. La silhouette est actionnée à distance avec une ficelle pour la faire pivoter sur son axe vertical. L’alouette curieuse s’approche en vol pour tenter d’identifier l’objet. Le chasseur posté à portée de fusil aura quelques secondes pour ajuster son tir et abattre le malheureux passereau, plus de poids de plomb que de chair.
Voici un texte tiré du célèbre catalogue MANUFRANCE (Amazon de l’époque) vers la fin du XIXème siècle :
« Avoir soin de choisir un temps clair, sans vent, et – point important – que le sol soit recouvert d’une bonne gelée blanche ; se prévaloir en un mot de belles matinées de novembre et décembre. On aura soin de se dissimuler grosso modo derrière une touffe d’osier, une haie ou dans un fossé, l’aide fera tourner le miroir, et appellera les alouettes au moyen d’un appeau. L’alouette tout d’abord, décrit au loin des grandes courbes, puis avec rapidité, vient soudainement s’arrêter comme un point fixe au-dessus du miroir pour s’éloigner ensuite par un crochet très vif : c’est le moment d’arrêt très court qu’il faut savoir saisir pour tirer. »
En attendant la venue des alouettes, le chasseur pouvait toujours chanter la célèbre comptine « alouette, gentille alouette, alouette je te plumerai, je te plumerai la tête, je te plumerai le bec, et la tête, et le bec… » et ainsi de suite jusqu’à la queue.
Voici un extrait du catalogue MANUFRANCE vers les années 65-70
Vous verrez que le choix va du plus simple au plus sophistiqué, électrique avec deux leurres.
La photo suivante est un miroir aux alouettes trouvé par un cousin brocanteur.
Cette chasse a été longtemps pratiquée dans les grands plaines aux temps bénis où ces volatiles étaient nombreux.
Aujourd’hui cette chasse « traditionnelle » n’est guère pratiquée, les effectifs ayant fondu depuis les années 1980 mais des « passionnés », comme la Fédération de chasse de la Meuse, essayent de perpétuer cette tradition et d’attirer de nouveaux adeptes par des journées de « découverte ».
Cette chasse est interdite depuis l’arrêté ministériel en date du 20 février 1989, qui s’appuie sur une directive de Bruxelles du 2 avril 1979 concernant la protection et la conservation des oiseaux sauvages. Cette directive interdit l’utilisation de sources lumineuses à la chasse et parmi celles-ci le miroir.
Les tribunaux français ont retenu qu’un miroir dépourvu de réflecteurs ne pouvait être considéré comme une source lumineuse. Dès lors, ce mode de chasse est parfaitement licite.
Les données du suivi temporel des oiseaux communs (STOC) montrent une diminution de -20% entre les années 1989-2009 et -22.6% entre les années 2001-2019 confirmant ainsi cette baisse constante. Mais ce n’est pas ce qui va arrêter les « plus grands protecteurs de la nature ».
D’autres passereaux étaient chassés et vendus sous l’appellation « alouette ». Bruant proyer, Pipit farlouse, Alouette lulu faisaient les frais de cette ressemblance. C’est sans doute encore le cas.
Ces leurres étaient souvent fabriqués par leur propriétaire dans les campagnes. Des collectionneurs sont à la recherche de ces « petites merveilles ».
Un article paru dans Le Chasseur français démontre que c’est bien le mouvement qui attire l’oiseau. Le leurre sans miroir attire autant les alouettes, ainsi que des leurres peints de différentes couleurs. Les formes peuvent aussi varier autant que possible avec le même intérêt pour l’oiseau.
La ville de Pithiviers dans le Loiret était célèbre pour ses pâtés en croûte d’alouettes. Les médisants disaient que la farce était faite pour moitié avec de l’alouette et du cheval. C’est-à-dire une alouette, un cheval !
Le terme « miroir aux alouettes » a inspiré bon nombre de romanciers si l’on en croit tous les titres d’ouvrages que j’ai trouvé sur internet.
Les essayistes ne sont pas en reste.
Comme le cinéma.
Inspiration aussi pour les artistes plasticiens.
Un « coach » veut « m’accompagner » pour que mon blog soit lu par des milliers de personnes ! Un miroir aux alouettes sans aucun doute.
Jean-Luc de Hausse-Col